Crise sanitaire : le télétravail d’urgence
« Le télétravail n’est pas une option » a annoncé Elisabeth BORNE le 29 octobre. Le Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19, mis à jour à cette même date, renforce le recours au télétravail.
1/ Le télétravail est-il obligatoire ?
Le Protocole national précise que « dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. »
Les employeurs fixent les règles applicables dans le cadre du dialogue social de proximité, en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail.
Le télétravail est en conséquence à mettre en place chaque fois qu’il est possible.
2/ Que se passe-t-il lorsque les activités ne peuvent être télétravaillées ?
Dans les cas où le télétravail n’est pas possible, le Protocole préconise que « l’organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l’exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales. »
Lorsque le télétravail ne peut être mis en place pour certaines activités ou certaines fonctions, le Protocole prévoit que l’employeur organise systématiquement un lissage des horaires de départ et d’arrivée du salarié afin de limiter l’affluence aux heures de pointe. La continuité de l’activité dans un contexte de circulation du virus est assurée par le respect de l’ensemble des règles d’hygiène et de distanciation physique rappelées en conclusion du protocole sanitaire.
L’employeur doit régulièrement informer les salariés rappeler le respect systématique des règles d’hygiène et de distanciation. Les réunions en audio ou visioconférence doivent constituer la règle et les réunions en présentiel l’exception.
Par ailleurs, l’employeur définit un plan de gestion des flux intégrant les salariés et les clients, fournisseurs et prestataires avec la mise en place de plans de circulation incitatifs visant à fluidifier la circulation exemple : marquage au sol dans les zones d’attentes ; plan de circulation dans l’entreprise etc.
3/ Peut-on imposer le télétravail au salarié ?
L’article L.1222-11 du code du travail prévoit « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »
Rappelons que l’article L.4121-1 du code du travail prévoit que « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
A ce titre, le télétravail pourrait être imposé aux salariés sous réserve d’une prise en charge par l’employeur du coût du télétravail.
4/ Quelles seraient les sanctions possibles en cas de refus du salarié ?
En cas de refus du salarié de se voir imposer le télétravail dans le cadre du contexte sanitaire, il pourrait s’exposer à une sanction disciplinaire telle que prévue dans le règlement intérieur dès lors que cette mesure est destinée à protéger sa santé et sa sécurité.
5/ Faut-il une charte, un accord ou conclure un avenant au contrat de travail ?
Par principe, l’article L.1222-9 du code du travail, le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.
Toutefois, l’article L.1321-5 du code du travail prévoit une procédure d’urgence, « Lorsque l’urgence le justifie, les obligations relatives à la santé et à la sécurité peuvent recevoir application immédiate. Dans ce cas, ces prescriptions sont immédiatement et simultanément communiquées au secrétaire du comité social et économique ainsi qu’à l’inspection du travail. »
Ainsi dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et compte-tenu de la situation actuelle, la formalisation du télétravail ne semble donc pas obligatoire. Un avenant au contrat de travail n’est donc pas nécessaire. Cependant, le CSE, lorsqu’il existe, doit être informé ainsi que l’inspection du travail.
Dans la situation d’urgence, il conviendrait néanmoins que l’employeur, au-delà de la simple information du secrétaire du CSE, définisse un cadre d’application du dispositif concernant l’essentielle des règles applicables :
- jours de télétravail (100% ou moins) et durée prévisible ;
- temps de connexion ;
- rappel des règles en matière d’accident du travail ;
- conditions d’attribution et mise à disposition du matériel
Ce document pourrait s’assimiler à une charte élaborée a posteriori qui devrait être transmis au CSE, s’il existe, pour information.
6/ Quelles sont les autres obligations de l’employeur ?
L’article L.1222-10 du code du travail prévoit que l’employeur en plus de respecter ses obligations de droit commun, est tenu à l’égard du salarié en télétravail :
- D’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
- De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;
- D’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.
Quelle prise en charge des coûts liés au télétravail ?
Dans le cadre de l’article L.4122-2 du code du travail, les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs. Les frais liés à la mise en place du télétravail sont donc à la charge de l’employeur (assurance, installation, connexion…).
Dans l’hypothèse où le salarié utiliserait son matériel personnel, il s’agirait de l’indemniser afin de le dédommager de cette utilisation.
A ce titre, l’URSSAF admet lorsque le salarié en situation de télétravail, régie par le contrat de travail ou par convention ou accord collectif, engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine.
(Cette allocation forfaitaire passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour trois jours par semaine…).
Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales pourra être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.
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