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Réintégration du salarié après un licenciement nul : quel est le montant de l’indemnité d’éviction ?
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Une salariée revendique le paiement d’un treizième mois et d’une prime en invoquant un usage interne à l’entreprise en joignant à l’appui de sa demande un tableau récapitulatif reprenant les éléments de rémunération de salariés depuis plusieurs années.

Elle est licenciée pour cause réelle et sérieuse, l’employeur lui reprochant d’avoir transmis, à l’appui de ses revendications, des données personnelles et confidentielles ayant trait à la rémunération de certains de ses collègues et prédécesseurs. Sans surprise, la nullité de son licenciement est prononcée au motif que le licenciement est intervenu en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression et porte donc atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie.

La salariée demande et obtient sa réintégration alors même qu’elle a par ailleurs retrouvé un nouvel emploi et perçu des revenus de remplacement. La question se posait ainsi de la déduction des revenus de remplacement dans le calcul de son indemnité d’éviction.

Traditionnellement, la Cour de cassation considère que l’indemnité d’éviction correspond à une somme égale au montant de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement (Soc. 03/07/2003, n°01-44.717). Par exception, lorsque la rupture du contrat de travail intervient en violation d’une liberté fondamentale, le salarié peut obtenir le maintien forfaitaire de la rémunération qu’il aurait dû percevoir durant la période d’éviction, sans déduction des revenus de remplacement (Soc. 02/02/2006, n°03-47.481).

Ainsi, la jurisprudence a donc introduit une distinction dans le mode de calcul de l’indemnité d’éviction en fonction des causes de nullité érigées ou non de rang de « liberté fondamentale », notion dont les contours restent flous. Cette distinction, peu lisible et depuis longtemps critiquée, a déjà conduit à des différences difficilement justifiables.

A titre d’exemple, la Cour de cassation, qui juge pourtant que la liberté d’expression est une liberté fondamentale (Soc. 29/06/2022, n°20-16.060), avait par le passé considéré que le licenciement était nul en raison d’une atteinte à la liberté d’expression mais que le revenu de remplacement devait être déduit de l’indemnité d’éviction (Soc.14/12/2016, n°14-21.325).

Le maintien d’une distinction dans le mode de calcul de l’indemnité d’éviction en fonction des causes de nullité parait d’autant moins justifié que l’article L. 1235-3-1 du Code du travail (issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ne prévoit pas d’indemnisation différenciée selon les cas de nullité du licenciement en l’absence de réintégration.

Pour autant, dans l’arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation persiste dans son approche forfaitaire de l’indemnité d’éviction, éloignée de la notion traditionnelle d’indemnisation en fonction du préjudice subi par le salarié, en considérant désormais que dans un cas de nullité du licenciement pour violation de la liberté d’expression, l’indemnité d’éviction se cumule avec les éventuels revenus de remplacement du salarié. Une indemnisation qui permet donc au salarié de percevoir une indemnisation plus élevée que son préjudice !

 

📌 Cass. soc. 23 octobre 2024, n°23-16.479